Néréus 2050

"Le soleil à l’aurore avait repoussé délicatement le drap pâle aux couleurs de nuit, il étirait maintenant ses rayons ensommeillés dans les cieux. Quelques nuages épars jouaient dans les rideaux de lumière rose, rougissant sous les baisers du levant. "

"Tout près, un ruisseau chahutait dans les cailloux en éclaboussant les berges de ses éclats de rire."

"Cheekee entendit les Iolitiens bien avant leur arrivée au Kon Korred. Debout sur le promontoire, tenant la boîte du cristal temporel, elle se retourna pour observer le chemin. Il étirait un long serpentin usé bordé de franges d’asters sauvages, de violettes et de fougères, avant de s’enfoncer dans la forêt. Un ruisseau le soulignait d’anthracite sur quelques kilomètres depuis les collines puis disparaissait, dans un murmure de roseaux, dans les sables et les roches avant de rejoindre l’un des sept torrents du Loc Annessy. Cinq affluents, rivières secrètes des glaciers, soupirs humides des neiges fondantes, roulaient leurs eaux laiteuses en torrents bondissants, dévalant les pentes boisées, sautant les barres rocheuses en tonitruantes cascades, avant de plonger dans les eaux turquoise du lac. "

« Bien. Atmosphère calme aujourd’hui, c’est rare », se dit Alistan Atos en remontant sa braguette. Il ouvrit une porte fenêtre et pénétra sur sa plateforme personnelle, où le CroCoTique, son miCro héliCo automaTique, l’attendait. Les bâtiments étaient encore engloutis dans les entrailles de la nuit. Il pouvait embrasser l’immensité du ciel, qui commençait à pâlir sous les prémisses de l’aube. Il respirait péniblement. Il vit alors s’illuminer de fines nappes de nuages filamenteux, très étendues. A la frontière de l’espace, ces immenses nuages noctulescents brillaient intensément. « Les voilà bien souvent sous nos latitudes. Et ils sont de plus en plus grands et brillants, remarqua Tan Atos, s’installant sur le siège. Il pensa à la décomposition du méthane de la haute atmosphère à 80 km d’altitude en eau sous l’action des rayons ultra-violets, qui cristallise en glace sur les poussières. En 2019, les pyrocumulonimbus ont projeté des cendres de forêt, de koalas, d’animaux, jusque dans la stratosphère.[1] "La beauté du diable ", comme étaient nommés les champignons des bombes atomiques au XXème siècle, songea-t-il en appuyant sur le bouton. L’hélico décrivit une courbe parmi les arabesques que le soleil levant déposait aux pinceau, nuancées de roses, orangés, rouges, violets et vermeils sur les façades et prit le cap sur Hubris. Alistan Atos regarda autour de lui. Le cercle de l’horizon était vide. Quasiment plus aucun nuage ne venait éclore au-dessus des océans. Seuls quelques avortons délabrés erraient parfois comme des âmes en peine. Les stratocumulus, ces nuages bas et épais qui couvrent 20 % de la surface des océans dans les zones tempérées, sont les refroidisseurs les plus efficaces sur Terre car ils réfléchissent de 30 % à 60 % des rayons solaires. Mais leur processus de formation s’était enrayé à cause de l’augmentation du CO2. Le phytoplancton libère dans l'atmosphère 50 à 80 % de l’oxygène que nous respirons mais aussi du diméthylsulfure (DMS) qui réagit avec l’air pour produire des aérosols d’acides sulfuriques, noyaux de condensation pour les gouttelettes d'eau, l’amorce de la formation des nuages. Plus il y a d'aérosols de ce type plus il y a de noyaux de condensation, plus il y a de petites gouttelettes d’eau, plus la réflectivité des nuages augmente, plus ils renvoient de rayonnement solaire vers l'espace. On avait espéré que l'augmentation du dioxyde de carbone dans les océans accroîtrait l'efflorescence de phytoplancton qui l’utilise, fournissant donc plus de DMS à l'atmosphère. Mais les études ont montré que l’acidification de l’eau consécutive aux réactions chimiques de l’absorption océanique de CO2 affectait le phytoplancton et diminuait la production de DMS.[2]

La disparition de ces nuages océaniques de basse altitude avait été soudaine. Et Tan Atos savait bien pourquoi.

[1] Effet des pyroCb australiens https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/derriere-les-nuages-noctiluques-le-rec chaudement-51618

D’après les prélèvements de carottes glaciaires, la teneur de l’air en méthane a doublé depuis la révolution industrielle. https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/derriere-les-nuages-noctiluques-le-rechauffement-51618

[2] https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-oceans-plus-acides-favorisent-rechauffement-climatique-48551/